« Pas encore de repos éternel pour Nefertiti » …


Une bonne nouvelle au gré de la semaine / mercredi, avril 29th, 2020

Une bonne nouvelle par jour, … avec un petite interruptions deux jours…
Aujourd’hui: « PAS ENCORE DE REPOS ETERNEL POUR NEFERTITI  … ».

le 29 avril, par Diana De Crop

(photo – (c) Jan Nikolai Nelles)

Elle dont le nom signifie « la belle est venue »  n’en finit pas de… revenir! Dans sa vie de l’au-delà, Osiris lui compte déjà sept vies. La sienne d’abord (1370-1333 av. J.-C.), en tant que grande épouse royale d’Akhenaton, célébrée pour sa beauté et immortalisée par son célèbre buste.  Puis, toutes celles que les autres ont décidés de lui donner… A commencer par le premier, Ludwig Borchardt, l’archéologue allemand qui l’a découverte en 1912 à Tell el- Amarna en Egypte et qui l’a ramenée en Allemagne,  point de départ de sa nouvelle vie d’éternité. Un long périple qui démarre avec sa première apparition en public quelques années plus tard en 1924 au Neues Museum de Berlin et à partir de là, l’histoire des demandes répétées de l’Egypte pour exiger son retour au pays.

Le buste de la discorde 

Si dans les années trente, le gouvernement allemand semblait sur le point de leur rendre leur trésor national, Adolf Hitler a ensuite changé d’avis, déclarant qu’il « ne renoncerait  jamais à la tête de la reine ».  On connaît la suite… la belle Nefertiti a passé la seconde guerre mondiale dans une mine de sel avant d’être récupérée par les Monuments Men des forces alliées en 1945, pour être ensuite réexposée à Berlin après encore bien des péripéties.

L’Egypte n’a jamais cessé d’œuvrer à sa restitution. En 2011, le Conseil suprême des Antiquités adressait une nouvelle demande de restitution mais la Fondation du patrimoine prussien a toujours campé sur sa position : «Néfertiti est et reste l’ambassadrice d’Egypte à Berlin ! ». 

Nefertiti pour tous ! Les hackers entrent en piste…

C’est ici qu’entrent en scène deux artistes, la Germano-irakienne Nora Al-Badri et l’Allemand Jan Nikolai Nelles. En 2015, lors d’une performance artistique militante (*), ils « volent » le scan du buste de Nefertiti en s’équipant d’une caméra capteur de mouvements. Armés de scanners portables camouflés sous leur écharpe, ils numérisent clandestinement le buste de la belle pendant plusieurs heures. Leur objectif : mettre en ligne les fichiers d’impression 3D sous licence libre pour que chacun puisse en réaliser une impression 3D. En effet, non content d’en avoir déjà l’original, le Neues Museum, -contrairement à d‘autres grands musées -, en interdit la moindre photographie, refuse alors d’en partager les scans originaux et ne donne pas un accès libre aux résultats des recherches.

 La vidéo est disponible et peut être vue depuis https://vimeo.com/148156899

La 3D pour protester

Trois mois plus tard à Hambourg,  les deux artistes dévoilaient leur projet intitulé «The Other Nefertiri » lors du plus grand rassemblement de hackers d’Europe (Chaos Computer Club). Aucun musée égyptien n’ayant souhaité montré le buste en 3D, ce geste devient alors un symbole pour revendiquer le retour des antiquités dans leur pays d’origine : « La tête de Néfertiti représente les autres millions d’objets volés et pillés partout dans le monde et ce qui se passe actuellement en Syrie, en Irak et ailleurs, a expliqué Nora Al-Badri. A l’avenir, les possibilités technologiques et la pression du public finiront par conduire au rapatriement de la plupart des objets vers les communautés et les nations dont ils sont originaires, tandis que nous pourrons toujours montrer des copies ou des incarnations digitales aux visiteurs des musées occidentaux ».  La première réaction publique de l’Allemagne a été de ne pas voir la nécessité de réagir.

Des perspectives infinies…

Au-delà des problèmes juridiques qu’il entraîne, le boom de la numérisation 3D du patrimoine culturel ouvre des perspectives incroyables. De grands musées comme le MET à New-York encourage déjà ses visiteurs à scanner les objets de sa collection, le British Museum a été jusqu’à organiser un « scanathon » et les musées nationaux de France proposent désormais des modélisations 3D téléchargeables  de certains de ses  chefs d’œuvre.  En version XXL, un musée de Taïwan imprime en 3D une réplique de mammouth. Détruite par Daech, l’arche de Palmyre  sera bientôt reconstruite en 3D taille réelle, l’impression 3D pourrait accélérer la fin du chantier de la Sagrada Familia…

Du vol à la réplique

Au cœur de cette évolution, la position du Neue Museum n’était plus tenable. Après 3 années de bataille juridique, les scans 3D de Nefertiti sont maintenant disponibles en ligne. Le musée a finit par communiquer ses données numériques à l’artiste militant Cosmo Wenman, expert en numérisation 3D qui faisait campagne pour pouvoir les diffuser librement et gratuitement. Cequ’il fit le 3 novembre 2019.  Voilà donc la 7ème vie de Nefertiri qui s’achève sur un portail de partage de contenus numériques! 

La réplique « parfaite » du visage de Néfertiti ?

Quelques mois plus tôt, en 2018, grâce à la technologie d’imagerie 3D et l’analyse médico-légale réunies, la paléoartiste Elisabeth Daynès  sculptait un buste réaliste de Néfertiti, une reconstruction historique précise de son apparence dans la vie, une ressemblance frappante qui révèle sa peau satinée, son long cou gracieux, ses pommettes saillantes et son œil droit rehaussé de khôl.

Le royaume d’Osiris est infini… Pour pousser plus loin la performance et marquer les esprits, nos deux artistes-hackers ont révélé  avoir enterré une impression 3D du buste dans le désert. Qu’en aurait pensé Djéhoutymès (Thoutmôsis en grec ancien) le sculpteur, le « vrai » artiste ? Quoi qu’il en dise,  la huitième vie de Néfertiti vient de commencer…

Nora al-Badri et Jan Nikolai Nelles devant une impression 3D du buste de la Reine Nefertiti au Caire (c) Jan Nikolai Nelles
Le vrai visage de Nefertiti ©Josh Gates-Elisabeth Daynès
(*) La vidéo est disponible et peut être vue depuis https://vimeo.com/148156899

                                                                                                      ////